Une bouffée de plaisir.

Combattre le mal par le mal, ou l’accoutumance par la substance dont on est dépendant pour éviter un sevrage trop rapide, est une méthode fréquemment utilisée dans le cas d’addictions aux drogues diverses. Il en va de même pour la cigarette: de nombreux substituts existent, que ce soit sous forme de patch ou de gomme à mâcher. Si ces derniers ne nous rendent pas dépendants, comme le ferait la cigarette, ce pourrait être pour une raison déjà identifiée pour d’autres drogues, comme pour la cocaïne: l’addiction est dépendante du mode d’administration de la drogue. En clair, il vaut mieux une diffusion constante de nicotine que des pics rapides, comme en arrivent après chaque bouffée de cigarette.

En tous cas, c’est ce que l’on pensait jusqu’à l’article publié dans les Proceedings of the National Academy of Sciences par une équipe du Duke University Medical Center. Ceux-ci ont utilisé un tomographe par émission de position (TEP, le fameux PET scan qui rappellera quelque chose aux fans du médecin claudiquant)  pour étudier la cinétique d’accumulation de la nicotine dans le cerveau. Pour ce faire, ils ont fait fumer à des sujets dépendants et non dépendants à la nicotine des cigarettes contenant de la nicotine radio-active (rien de dangereux, la radio-activité est utilisée ici pour permettre l’imagerie), et ont observé la façon dont celle-ci s’accumulait dans le cerveau.

Et là où leurs observations viennent contredire ce que l’on supposait, c’est que la nicotine s’accumule plus lentement dans le cerveau des fumeurs dépendants que des autres, parce qu’elle reste plus longtemps dans les poumons du fumeur (il pourrait s’agir là d’un effet secondaire de la consommation de cigarettes sur le long terme).

Cependant, les fumeurs dépendants ont tendance à compenser ce rythme plus lent en inspirant des volumes de fumée plus grands, et les l’accumulation totale à chaque cigarette semble être à peu près identique entre fumeurs dépendants et non-dépendants. Le résultat de cette étude est typique d’une science qui avance à petits pas: si la cause de la dépendance à la cigarette reste mystérieuse, on peut écarter une explication, celle de taux d’accumulation dans le cerveau différent. On peut quand même grâce à cette étude connaître plus en détail le trajet et la quantité de nicotine arrivant dans le cerveau, ce qui permet de pondérer l’importance des différents récepteurs susceptibles de jouer un rôle dans l’addiction. La route est longue, on a le temps pour une pause-clope.

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