À la rescousse des neurones au bord du suicide.

C'est beau un neurone la nuit (image CNRS).

Au cours de son développement, le corps humain a un grand défi à relever : connecter tous les organes au centre du contrôle, le cerveau. Pour cela, des neurones sont déployés sur de grandes distances vers les divers membres et muscles, et la bataille n’est pas gagnée d’avance. Pour compenser la difficulté rencontrée par les neurones pour arriver à bon port, notre corps en produit deux fois plus que nécessaire. Et à l’instar des spermatozoïdes, le premier neurone à arriver à destination bénéficiera de toutes les ressources utiles à sa survie. Les neurones restés sur le carreau sont voués au suicide, tel le premier Bérégovoy (ou Kurt Cobain, Eva Braun, Mike Brant et Lolo Ferrari, rayez la mention inutile suivant votre génération) venu. Ce processus est programmé dans le code génétique de toutes les cellules, c’est l’apoptose.

La compréhension de ce mécanisme de mort cellulaire est d’importance : en effet, mieux l’appréhender pourrait permettre de contrer la dégénérescence des neurones observée dans la maladie d’Alzheimer ou la chorée de Huntington. Et un pas vient d’être franchi dans la bonne direction, apprend-on à la lecture de Genes & Development. On peut en effet, grâce à des chercheurs de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, en apprendre plus sur le rôle d’une molécule particulière pour contre-carrer l’apoptose. Cette molécule porte le doux nom de miR-29b, et est un microARN, c’est-à-dire un brin de quelques nucléotides (les briques élémentaires de l’ADN). Ce type de molécules sert principalement à empêcher l’expression de certains gênes. En l’occurrence, les scientifiques se sont rendus compte que miR-29b était peu présente chez les patients atteints de maladies neurodégénératives. Et en l’injectant dans des neurones, on se rend compte que ceux-ci résistent à plusieurs signaux déclencheurs de l’apoptose, plus vaillants que Zsa Zsa Gabor.

En y regardant de plus près, on comprend un peu mieux le rôle de la molécule. Celle-ci interagit avec les gènes de la famille Bcl-2, qui jouent un rôle initiateurs dans l’apoptose. Ces gènes ont la particularité d’être redondants, de sorte que si l’un d’entre eux est inhibé, les autres sont encore actifs et déclenchent la mort de la cellule ou du neurone. Mais miR-29b interagit avec 5 gènes de cette famille, bloquant ainsi en même temps toutes les possibilités de démarrer le suicide. Cela ouvre de nouvelles possibilités de traitement pour les maladies neurodégénératives, tout en ayant un avantage majeur : il s’agit ici d’empêcher la mort de neurones, et non de stimuler la croissance de nouveaux neurones. Ainsi, on évite de faire croître les cellules jusqu’à ce qu’elles soient hors de contrôle, provoquant un cancer.

L’homme qui valait trois milliards, enfin, son oeil.

De nombreuses personnes ont pu en faire l’amère expérience: perdre la vue, c’est perdre une énorme part d’autonomie (et de sens musical, dans certain cas). Et si l’on peut rectifier certains problèmes de vue, par des moyens simples (lunettes ou lentilles de contact), ou plus complexes (chirurgie), il y a un certain nombre de cas où la vue est définitivement perdue, comme les cas de rétinite pigmentaire ou de dégénérescence maculaire.

Peu défaitiste, la société Bionic Vision Australia, travaillant à l’Université de New South Wales, est sur le point de proposer une alternative. Elle vient en effet de présenter le principe de son neurostimulateur, reproduisant le fonctionnement de l’œil humain. Le principe est d’utiliser un capteur de lumière, une caméra donc, pour transformer le signal optique (lumière reçue) en signal électrique (le signal qu’utilisent les neurones pour traiter l’information). Ce signal est conçu pour pouvoir être interprété par notre cerveau,  en reproduisant la façon dont est codée l’information reçue par notre œil.

Pour le moment, la technologie n’en est qu’à ses balbutiements, l’œil bionique ne permettant que de percevoir des points lumineux, et des formes. Cela suffit néanmoins à redonner plus d’indépendance à certains malades, à leur permettre une autonomie au jour le jour. Et grâce à une bourse fédérale australienne de 42 millions de dollars australiens, les chercheurs sont optimistes, espérant pouvoir bientôt mettre au point une dernière version, permettant de reconnaître les visages ou de lire les gros caractères.

On peut même se projeter en avant, et imaginer que de telles prothèses puissent surpasser l’être humain, ou s’intégrer dans un mode de communication plus global: une reconnaissance automatique des visages permettrait d’afficher le nom des personnes que vous rencontrez, et l’on peut imaginer toutes sortes de formes de réalité augmentée. Ainsi, plus besoin de ces encombrantes lunettes des années 90 pour se plonger dans une réalité virtuelle. Attendons donc, la route est longue.